Alors que les réflexions menées dans le cadre du Beauvau des polices municipales ont été brutalement interrompues par la dissolution de l’Assemblée nationale, une proposition de loi portée par le député (La droite républicaine) Eric Pauget vient d’être déposée pour élargir les compétences judiciaires des policiers municipaux.

Mesure phare du Beauvau des polices municipales entamé au printemps dernier et brutalement interrompu par la dissolution de l’Assemblée nationale, le renforcement des compétences judiciaires des policiers municipaux revient sur la table avec une proposition de loi déposée le 17 septembre par une vingtaine d’élus de la droite républicaine, en tête desquels Eric Pauget.

La proposition, largement encouragée par la ministre démissionnaire en charge des collectivités territoriales, Dominique Faure, n’est certes pas nouvelle. Récemment encore, le législateur avait tenté d’introduire dans la loi sur la sécurité globale de 2021 une vaste expérimentation pour élargir les compétences des policiers municipaux. En vain, car la disposition avait été retoquée par le Conseil constitutionnel.

Pour surmonter cet écueil, un groupe d’études sur les polices municipales, dirigé par Eric Pauget, s’est employé à trouver une écriture juridique conforme à la Constitution. C’est l’objet de cette proposition de loi, qui, si elle était inscrite à l’agenda du Parlement, pourrait être discutée dans l’hémicycle en vue d’être votée.

Alors, que dit le texte ?

Premièrement, les auteurs prennent acte de l’évolution des policiers municipaux qui « sont devenus des policiers à part entière, structurés en brigades et dotés de tenues et d’équipements équivalents aux forces de sécurité intérieures qui peuvent désormais constater certaines infractions judiciaires ». De son côté, limité par des contraintes budgétaires, l’Etat ne s’y trompe pas, affirment-ils, qui « est à la recherche de solutions alternatives pour combattre l’insécurité » et  » incite les maires à renforcer le rôle interventionniste de leurs polices municipales ».

Dédoublement des compétences

S’appuyant notamment sur les prérogatives des gardes champêtres, cette proposition de loi propose donc d’élargir la liste des infractions que les directeurs ou chefs de services des polices municipales seraient habilités à constater (voire la liste dans l’encadré ci-dessous) via notamment les amendes forfaitaires. On y retrouve la quasi-intégralité des compétences que le projet de loi sécurité globale souhaitait conférer à titre expérimental aux policiers municipaux, avant d’être censuré par le Conseil constitutionnel.

Deuxième innovation : cette habilitation passerait par la création d’ »un statut expérimental d’officier de police judiciaire (OPJ) aux compétences limitées dans le temps, par la loi et à certains directeurs ou chefs de services de police municipale ». Désignés par le maire, ces cadres de PM « pourront bénéficier d’un dédoublement de compétences » si les maires en ont fait une demande. « Dès lors les directeurs et les chefs de services de police municipales, demeureront placés sous l’autorité du maire en matière de police administrative, mais ils seront placés sous l’autorité, la surveillance et le contrôle de l’autorité judiciaire dans l’exercice de leurs nouveaux pouvoirs » précise le texte, qui entend ainsi contourner les fourches caudines du Conseil constitutionnel.

Si l’ambition du groupe d’étude divise les élus locaux et les syndicats de police municipale, la proposition de loi souligne que « le recours à cette expérimentation doit, au même titre que le choix de créer une police municipale et de l’armer, rester une possibilité offerte aux maires, car la police municipale doit d’abord rester une police de proximité qui n’a pas vocation à remplacer les forces de sécurité intérieures de l’État ».

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Focus

Elargissement des infractions : les propositions des députés

La proposition de loi Pauget liste les nouvelles infractions ou délits que les directeurs et chefs de service de PM pourraient dorénavant constater :

  • la vente à la sauvette (et la possibilité de confisquer les marchandises),
  • la conduite d’un véhicule sans permis de conduire ou sans assurance,
  • les comportements compromettant délibérément la sécurité ou la tranquillité sur la route,
  • le fait d’entraver la circulation,
  • l’occupation des espaces communs ou les toits des immeubles collectifs d’habitation,
  • l’usage illicite de l’une des substances ou plantes classées comme stupéfiants,
  • l’introduction dans un local appartenant à une personne publique,
  • l’installation en réunion sur un terrain appartenant à une personne publique en vue d’y établir une habitation,
  • la destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui,
  • le port de certaines armes et munitions,
  • l’immobilisation de voitures ventouses et leur mise en fourrier,
  • certaines contraventions relatives aux débits de boissons, à la lutte contre l’alcoolisme, à la répression de l’ivresse publique et à la protection des mineurs

La proposition de loi ouvre également la possibilité aux policiers municipaux d’accéder directement au fichier des véhicules assurés ou encore de relever l’identité des auteurs des délits que la loi les autorise à constater, aux fins d’en dresser procès‑verbal.

Hervé Jouanneau, le 19/09/2024 dans La Gazette des Communes.